LA SCLEROSE EN PLAQUES


La sclérose en plaques

La sclérose en plaques est une affection qui se traduit par une disparition de la myéline (la gaine protectrice qui recouvre les fibres nerveuses) dans le cerveau et dans la moelle épinière, entraînant une perturbation du fonctionnement normal de ces fibres. Il semble qu'il s'agisse d'une réaction auto-immune qui amène le système de défense de l'organisme à traiter la myéline comme un envahisseur étranger. Les premiers symptômes de la maladie se manifestent généralement au début de la vie adulte, pour aller et venir ensuite de façon imprévisible pendant des années. Chaque "poussée" peut durer des semaines, voire des mois, et la rémission n'est souvent que partielle, puisque la maladie progresse graduellement, entraînant une dégradation et, à terme, une inva­lidité grave. Une blessure, une infection ou un stress peuvent provoquer une rechute. L'espérance de vie est en moyenne de trente ans, mais certains malades voient leur état se détériorer beaucoup plus rapidement, tandis que d'autres se stabilisent après quelques poussées.

 

 

 

La nature des symptômes dépend de la partie du système nerveux central qui est touchée par la démyélinisation. Dans la mesure où le cerveau et la moelle épinière contrôlent le corps tout entier, les effets de la sclérose en plaques peuvent se manifester pour ainsi dire n'importe où dans l'organisme. Les symptômes les plus courants sont les fourmillements, les engourdissements, les troubles visuels, les difficultés d’élocution, les contractures musculaires douloureuses, les troubles de la coordination et de l'équilibre (ataxie), la fatigue, la faiblesse ou la paralysie, les tremblements, les problèmes d'incontinence urinaire, les infections des voies urinaires, la constipation, les ulcérations cutanées et une grave dépression.

 

 

 

Il n'existe pour l’instant aucun traitement efficace contre cette maladie. Les corticoïdes, notamment la corticotropine (ACTH) et la prednisone, soulagent les symptômes aigus, mais ils favorisent par ailleurs une surcharge pondérale et provoquent certains troubles mentaux. Les médicaments les plus couramment utilisés pour traiter les contractures sont le diazepam (Valium®), le baclofène (Lioresal®) et le dantrolène (Dantrium®). Le Diazepam et autres médicaments de la classe des benzodiazépines doivent être administrés à hautes doses, ils provoquent une somnolence et peuvent créer une accoutumance. Le Dantrolène, comme le baclofène, ne revêtent qu'une utilité médicale marginale. Le Baclofène est sédatif et entraîne parfois des vertiges, de la faiblesse ou de la confusion. Le Dantrolène n'est prescrit qu'en dernier ressort, dans la mesure où il peut provoquer des lésions mortelles au foie ; il comporte par ailleurs toute une série d'autres effets secondaires (somnolence, vertiges, faiblesses, malaise général, crampes abdominales, diarrhées, troubles de la parole et de la vision, maux de têtes, impuissance, tachycardie, tension artérielle irrégulière, dépression clinique, myalgie, sensations de suffocation, confusion, etc.). Naturellement, dans ces conditions, de nombreux malades ne peuvent pas tolérer les effets secondaires immédiats des médica­ments courants et s'inquiètent de leurs conséquences à long terme.

 

 

 

Voici le récit de Greg Paufler, un homme de trente-sept ans qui habite le Nord de l'Etat de New York et qui nous raconte l'usage qu'il a fait du chanvre dans le traitement de sa sclérose en plaques :

 

En 1973, j'ai remarqué une sensation d'engourdissement dans mon pouce gauche qui s'est ensuite propagée dans le reste de la main. J'en ai parlé à un médecin qui, après avoir posé un diagnostic de névrite, m'a dit que les choses s'arrangeraient en quelques jours et m'a conseillé de prendre des vitamines. Effectivement, une semaine plus tard, l'engourdissement avait disparu, mais j'ai commencé à avoir du mal à garder l'équilibre et parfois même, à marcher.

 

Au début du printemps de l'année 1974, mon état de santé s'était sérieusement détérioré. Malgré les vitamines que je continuais de prendre, je trébuchais ou chutais constamment, ce qui était devenu un véritable sujet de plaisanterie pour mes collègues à la compagnie d'assurance où j'occupais un emploi de commercial. On me demandait en riant si j'avais bu. Mon chef a commencé à se plaindre, en disant que je voyais moins de clients et que je décrochais moins de contrats qu'auparavant. Je lui ai dit que mon problème d'engourdissement dans la jambe me gênait pour conduire et que j'avais du mal à écrire (je me suis bien gardé de lui avouer qu'en fait, j'étais à peine capable de tenir une plume). Mais ces explications n'ont pas eu l'air de le satisfaire. Peu de temps après, un collègue et ami m'a convaincu de consulter un deuxième médecin pour obtenir un autre avis. En entrant dans la salle d'attente le jour de mon rendez-vous, je suis tombée la tête la première, me blessant au genou. L'infirmière m'a aidé à entrer dans le cabinet du médecin. J'ai essayé de me tenir debout seul, mais je suis de nouveau tombé. J'ai dit au docteur que j'avais de violentes contractures dans les jambes, ainsi qu'une sensation d'engourdissement. Je lui ai dit aussi que je ne pouvais pas localiser mes pieds sans les regarder. Ce généraliste m'a immédiatement fait hospitaliser, en dépit de mes protestations ; il a parlé d'une tumeur au cerveau. J'ai passé sept jours à l'hôpital en observation, au cours desquels j'ai subi toute une série d'examens pratiquée par une équipe de médecins dirigée par un neurologue. J'avais perdu tout contrôle de mes membres et je souffrais de contractures intenses et douloureuses. J'avais les bras et les jambes complètement engourdis. Je ne pouvais plus du tout marcher. On m'a fait des piqûres intraveineuses d'ACTH, un stéroïde puissant, mais sans grand résultat, si ce n'est que je ne pouvais plus dormir et que j'avais deux fois plus faim que d'habitude. Le jour où je suis sorti de l'hôpital, le neurologue en chef m'a dit que je souffrais de sclérose en plaques. II m'a également indiqué qu'il n'exis­tait aucun remède, mais que les médicaments comme l'ACTH pouvaient ralentir la progression de la maladie. II m'a dit de rentrer chez moi et de me reposer le plus possible. II m'a aussi donné rendez-vous à son cabinet, où il s'est avéré que je n'ai jamais pu me rendre parce que j'étais trop faible pour faire le déplacement. En fait, le médecin a envoyé une infirmière à domicile qui a montré, à ma femme et moi-même, comment faire les piqûres d'ACTH.

Peu de temps après mon retour à la maison, j'ai reçu la visite de quelques amis venus me voir parce que je ne pouvais pas quitter le lit. Ce jour là, nous avons fumé quelques cigarettes de chanvre. Je me sentais mieux, mais j'ai attribué cette amélioration à la vague euphorie que m'avait procurée la drogue. En outre, j'ai constaté que mes contractures étaient moins violentes, mais, encore une fois, j'ai pensé que c'était l'effet de l'ACTH. Je suis resté cloué au lit même si mon état s'était quelque peu amélioré et je n'ai pas tardé à ressentir les effets de la prise chronique de stéroïdes à hautes doses. J'ai commencé à souffrir de rétention d'eau et à "enfler" ; j'ai grossi d'environ quarante-cinq kilos en six semaines car l'ACTH me donnait une faim de loup. Je passais des nuits blanches. J'ai commencé à perdre ma concentration. Je n'avais pas du tout le moral et je suis tombé dans une dépression profonde. Après trois mois de traitement intensif, mon état ne s'était que très peu amélioré. Je ne pouvais marcher qu'avec l'aide de ma femme et celle d'une canne ou d'un déambulateur.

 

Le médecin m'a annoncé que je devrais continuer à prendre de l'ACTH pendant encore trois mois, mais de toute évidence, la question des effets secondaires le préoc­cupait. Il m'a averti que je pourrais avoir une crise cardiaque ou une insuffisance respiratoire à tout moment. Pour lutter contre la rétention d'eau, il m'a prescrit un diurétique puissant, dont il a reconnu qu'il pouvait provo­quer des calculs rénaux ou entraîner la mort par insuffi­sance rénale. La corticothérapie ne donnait toujours aucun résultat et entraînait des effets secondaires de plus en plus graves. Mon poids est passé de quelques quatre-vingts kilos avant l'ACTH à cent quarante kilos quelques semaines après le deuxième cycle. J'avais du mal à respirer à cause de la rétention d'eau et de la pression sur les poumons. J'avais les pieds et les jambes enflés. Je n'avais plus rien à me mettre. C'est alors que je suis tombé dans une grave dépression, caractérisée par de brusques sautes d'humeur. J'étais toujours contrarié, et ce, sans aucune raison ; je pouvais éclater en sanglots pour un rien ou avoir des pensées violentes. Au bout de six mois, j'avais l'impression d'avoir perdu entièrement le contrôle de ma vie. Les très bons jours, qui étaient rares d'ailleurs, j'arri­vais à me traîner dans ma chambre en prenant appui sur le mur et avec l'aide de ma femme et de mon déambulateur. Et encore, je n'arrivais pas à rester en équilibre ou à supporter le poids de mon propre corps, et je finissais souvent par tomber. Je passais la plus grande partie de mon temps au lit. Je continuais d'avoir des contractures et je ne contrôlais absolument plus mes membres.

 

Au terme du sixième mois de ce traitement, j'ai revu le médecin en lui disant que mon état empirait. II m'a effectivement confirmé que je souffrais d'une très grave sclérose en plaques qui avait progressé extrêmement vite ; l'ACTH était, selon lui, le seul médicament susceptible de m'aider. Il m'a prescrit un nouveau traitement de trois mois, en augmentant cette fois la dose de 50 %. Il m'a également donné un somnifère et du Valium pour réduire l'intensité des contractures. J'ai accepté d'essayer l'ACTH encore une fois, mais j'ai changé d'avis quelques jours plus tard. Je n'en pouvais plus. Si ce traitement était vraiment la seule réponse à la maladie, je préférais la sclérose en plaques. Quand j'ai arrêté de prendre l'ACTH, j'ai commencé à voir trouble et, de temps en temps, je consta­tais un rétrécissement de mon champ visuel. Je ne pouvais plus fixer mon regard, ni lire ; la sclérose en plaques avait commencé à lancer contre moi des assauts d'une toute autre nature. Le médecin devenait très inquiet et m'a immédiatement prescrit de la Prednisone, un stéroïde puissant administré par voie orale. Encore une fois, ce médicament n'a eu sur moi qu'une efficacité thérapeutique limitée mais en revanche, beaucoup d'effets secondaires désagréables, encore plus sensibles qu'auparavant. En moins d'un mois, j'avais grossi de plus de trente-cinq kilos. Mais le pire était à venir. Sans que je m'en rende compte, les stéroïdes étaient en train de me vider de tout mon potassium, une substance particulièrement importante pour l'organisme.

 

Un jour, alors que j'étais assis dans le salon, je me suis aperçu que je ne pouvais plus parler. J'étais dans un état de semi-catatonie. Une de mes enfants s'est approchée de moi et m'a dit quelque chose. Je l'entendais, mais je ne la voyais pas et je ne pouvais pas lui répondre, si ce n'est en pleurant. Ma femme et ma fille m'ont immédiatement emmené aux urgences. Je n'ai gardé aucun souvenir du trajet et, en arrivant à l'hôpital, je ne savais plus où j'étais. Je me revois, affalé dans un fauteuil, tout seul, puis entouré d'une dizaine de médecins et d'infirmières qui parlaient tous à la fois. Ils me posaient des questions que je ne suis pas certain d'avoir entendues. Quand j'essayais d'y répondre, je n'arrivais pas à prononcer un mot. Mon dossier m sclérose en plaques. Ma femme, elle aussi, était sceptique. Mais j’ai tout de même décidé de poursuivre mes expérimentations. Je n'ai pas tardé à constater que mes contractures étaient plus fréquentes et plus violentes quand je ne fumais pas de chanvre. En revanche, quand j'en prenais, mon état commen­çait par se stabiliser, pour ensuite s'améliorer de façon remarquable. Je pouvais marcher seul, et je voyais moins trouble qu'avant. Mais le médecin et ma femme n'y croyaient toujours pas. C'est alors que j'ai voulu faire une expérience dont je sais aujourd'hui qu'elle était ridicule : prouver à d'autres ce que je savais déjà être vrai. J'ai donc décidé d'arrêter de fumer du chanvre pendant six mois.

 

Dés que j'ai arrêté, j'ai commencé à régresser. J'ai souf­fert de violentes contractures dans les muscles du dos. Au bout de quatre mois, j'avais perdu le contrôle de mes mains, de mes bras, de mes pieds et de mes jambes. Ma dose de Valium est passée à cent vingt milligrammes par jour et j'ai compris tout à coup que j'étais devenu pharmacodépendant, un toxicomane en d'autres mots. Quand j'ai arrêté le Valium, ce médicament "sûr" et "médicalement accepté", j'ai eu une affreuse réaction de sevrage. J'avais perdu goût à la vie ; je n'arrivais pas à fermer l'œil ; j'étais nerveux et constamment agité ; j'ai sombré dans une dépression noire ; mes sautes d'humeur devenaient de plus en plus prononcées et incompréhensibles ; je souffrais de contractures affreusement douloureuses.

 

Quand j'ai cessé de pouvoir me tenir assis (donc, de pouvoir marcher), je me suis remis à fumer de l'herbe tous les jours. Au bout de quelques semaines, j'ai recommencé à me déplacer sans aucune aide. Peu de temps après, je réussissais, avec un petit effort, à faire seul une centaine de mètres dans la rue. J'ai retrouvé des forces en commençant à faire un peu d'exercice, et j'ai recommencé à voir normalement. Six mois plus tard, j'avais constaté une amélioration considérable de tous mes symptômes. Les contractures avaient disparu et j'avais retrouvé la capacité de lire, d'écrire et de marcher. Un soir, je suis sorti avec mes enfants et, pour la première fois en deux ans, j'ai pu leur montrer comment se servir d'un ballon de football. Je pouvais taper dans un ballon. Je me sentais revivre !

 

Mais je ne savais toujours pas quel rôle le cannabis avait joué exactement dans tout cela. Je fumais plutôt pour m'amuser. Je considérais le chanvre comme une drogue "de société". Je n'arrivais pas à comprendre comment une substance, aussi simple et aussi inoffensive, aurait pu produire dans mon état une amélioration aussi étonnante. J'avais d'autant plus de mal à y croire que le médecin, comme ma femme d'ailleurs, continuaient de rire douce­ment quand je leur en parlais. Pour me prouver que le chanvre n'était pour rien dans ce progrès, j'ai pris la résolu­tion, encore une fois, d'arrêter d'en fumer. Les contractures ont recommencé, peu à peu au début, puis de plus en plus fréquemment. Au bout de quelques semaines, j'ai eu besoin de ma canne, puis de mon déambulateur. Finalement, je me suis retrouvé cloué au lit une nouvelle fois. Quatre mois plus tard, j'ai recommencé à fumer. Mon état a immédiatement cessé de se dégrader, pour commencer ensuite à s'améliorer. Pour une raison étrange, j'avais du mal à croire que le chanvre pouvait vraiment être la cause de tels changements dans mon état de santé. En 1980, mon frère m'a fait lire dans le journal un article sur un type de Washington, un certain Sam Diana, atteint de sclérose en plaques, qui avait réussi à convaincre un tribunal de justice que l'utilisation qu'il faisait du chanvre relevait de la "nécessité médicale". J'étais étonné d'apprendre que je n'étais pas le seul malade atteint de sclérose en plaques à trouver un certain soula­gement dans le chanvre. Il était encore plus surprenant de voir que les médecins, les chercheurs et d'autres malades avaient appuyé la requête de Sam Diana et que le tribunal avait finalement statué en sa faveur. Je ne ressen­tais plus désormais le besoin de prouver, à moi-même ou à qui que ce fût d'autre, l'utilité du chanvre ; j'ai commencé à écouter mon corps et j'ai recommencé à fumer régulièrement.

 

Depuis sept ans, je réussis à contrôler ma sclérose en plaques, sauf lorsque je suis à court de chanvre, c'est à dire, quand je n'en trouve pas ou quand je n'ai plus les moyens de m'en acheter. La plupart des personnes qui souffrent de sclérose en plaques s'affaiblissent progressivement et deviennent de plus en plus invalides avec le temps ; en ce qui me concerne, mon état de santé s'est amélioré. Je peux rester sur un pied les yeux fermés. Je marche tout seul. J'arrive même à courir. Ce sont des choses qui peuvent sembler insignifiantes à celui qui n'a jamais été cloué au lit, paralysé et incapable de bouger ou de parler, mais pour moi, c'est un miracle. Par-dessus le marché, grâce au chanvre, je peux maintenir une érection suffisamment longtemps pour arriver au bout de l'acte sexuel. Je ne suis jamais devenu pharmacodépendant du chanvre et je n'ai aucun symptôme de sevrage quand j'arrête d'en fumer. Par rapport aux stéroïdes, aux tranquillisants et aux sédatifs habituellement prescrits aux malades atteints de sclérose en plaques, le chanvre est remarquablement sûr et inoffensif.

 

Le médecin n’en revient pas de l'amélioration de mes symptômes. Sur une échelle de 1 à 100, il me donne une "note" de 95 quand je lui demande ce qu'il pense du mon état physique et mental. II a cessé de dire que le chanvre ne sert à rien. A la fin de notre dernier rendez-vous, il m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit de continuer à faire ce que je faisais, parce que, de toute évidence, cela marchait.

 

Je n’aime pas enfreindre la loi. Je n'apprécie pas particulièrement de devoir verser des sommes exorbitantes à des revendeurs de drogue pour obtenir un produit non réglementé, non contrôlé. Mais j'aime marcher, parler, lire et voir. En ce moment, j'essaie de voir, avec mon médecin, dans quelle mesure nous pourrions avoir légalement accès au chanvre en application du programme "compassionnel" d'expérimentation d’un nouveau médicament (IND) mis en œuvre par la FDA. Mais la procédure est extraordinairement lente et compliquée.

 

Aujourd'hui, aux Etats-Unis, la plupart des malades atteints de sclérose en plaques entendent parler du chanvre et de ce qu'il peut faire pour eux, soit par l'intermédiaire d'un groupe d'entraide, soit par le bouche à oreille. De nombreux récits de malades montrent que le chanvre contribue effectivement à soulager les tremblements et à réduire les troubles de la coordination musculaire. Les neurologues en entendent souvent parler par leurs patients eux-mêmes. Et pourtant, la littérature ne rapporte que très peu de cas comme celui-ci :

 

En 1983, ce jeune homme de trente ans était atteint depuis dix ans de sclérose en plaques. Celle-ci se manifestait par une succession d'épisodes d'aggravation et de périodes de rémission. Il souffrait de parapésie, de diplopie, d'ataxie, d'engourdissements et de paresthésie dans toutes les extrémités, de rétention urinaire, d'incontinence et d'impuissance. Il avait bénéficié de traitements à l'ACTH, de corticoïdes et d’azathioprine. Depuis plus d'un an, il souffrait en permanence de tremblements invalidants, particulièrement prononcés au niveau de la tête et du cou, ce qui lui posaient des problèmes pour manger quand il essayait d'amener la nourriture à sa bouche. Les tremblements diminuaient quand le patient était en position allongée, avec la tête bien soutenue. Ils disparaissaient complètement pendant son sommeil. Le Diazépam, l'alcool, le Propanolol ou le Physostigmine étaient tous aussi inefficaces les uns que les autres. Au début de la présente étude, le patient avait pris l'habitude, pour lutter contre les tremblements, d’absorber depuis près d'un an une dose quasi quotidienne de chanvre, sans que l'on ait constaté le moindre signe de tolérance. Avec une dose initiale de cinq milligrammes de THC, on avait constaté, au bout de trente à soixante minutes, une atténuation des tremblements de la tête et du cou pendant environ six heures. Le THC provoquait une très légère euphorie qui ne semblait en rien altérer le jugement du patient. La drogue était apparemment sans effet sur la légère ataxie de la main constatée lors de ce qu'on appelle "l'épreuve doigt-nez", mais la capacité du patient à écrire était considérablement améliorée (cf. figure 1), de même que son aptitude à tenir des couverts pour manger. Lorsqu'on a remplacé les gélules de THC par des comprimés de placebo, aucun changement n'a été noté dans l'état du patient, si ce n'est une sensation de bien-être. Des essais répétés avec la substance active ont permis de vérifier encore une fois les mêmes effets.

 

 

 

Un autre rapport publié récemment par des neurologues de l'université de Göttingen, en Allemagne, a permis de constater qu’un des sujets de l'étude, un homme âgé de trente ans atteint de sclérose en plaques, avait utilisé le chanvre pour lutter contre ses handicaps moteurs et sexuels. On a procédé sur ce patient à plusieurs évaluations cliniques, à une électromyographie pour mesurer les réflexes dans les jambes et à un enregistrement électromagnétique des tremblements de la main (Cf. figure 2). Les médecins en ont conclu qu’il fallait faire des analyses complémentaires pour évaluer les propriétés thérapeutiques du chanvre dans le traitement des contractures musculaires et de l’ataxie (troubles de la coordination).

Debbie Talshir, une divorcée de trente-neuf ans, prend depuis quatorze ans du chanvre pour soigner les symptômes de sa sclérose en plaques. Elle raconte :

 

C'est en 1977 que j'ai appris que j'avais une sclérose en plaques. La maladie s'est d'abord manifestée par une neuropathie optique, une dégénérescence du nerf optique, celui qui relie l'œil au cerveau. Cette affection peut provoquer une cécité partielle. J'ai commencé par voir de gros nuages, puis ma vue a baissé, après quoi, les "nuages" en question sont devenus tous noirs dans mon œil droit.

 

On m'a prescrit de l'ACTH pour la neuropathie. J'ai grossi d'environ quarante-cinq kilos à cause de la rétention d'eau et de l'effet du médicament qui m'ouvrait considérablement l’appétit (j’étais constamment affamée). L'ACTH provoquait par ailleurs des sautes d'humeur qui me rendaient insupportable pour mes collègues de travail et mes amis, que j’en suis venue à redouter. Ces sautes d'humeur ont fini par se calmer, mais elles ont recommencé un an et demi plus tard, en même temps que la neuropathie optique connaissait une recrudescence. Cette fois-là, un collègue de bureau m'a conseillé de fumer du chanvre, ce que j'ai fait à raison d'une ou deux cigarettes par jour. II n'y a eu ni prise de poids, ni sautes d'humeur. Et la neuropathie optique a disparu en trois semaines.

 

Au fur et à mesure que la sclérose en plaques progressait, j'ai du prendre du Lioresal (blacofène) contre les contractures musculaires. Mais ce médicament avait des effets secondaires : somnolence et, d'une façon générale, grande léthargie. J'avais constaté que le chanvre me débarrassait de mes spasmes et me détendait les muscles, mais de moins en moins à mesure que ces muscles me devenaient inutilisables. Le neurologue que je voyais à l'hôpital général du Massachusetts, où le diagnostic de sclérose a été porté pour la première fois, et mon neurologue actuel, ici, à Cape Cod, savent tous deux que je prends du chanvre contre ces symptômes et contre d'autres. L'information figure dans mon dossier médical, mais les médecins ne peuvent pas (ou ne veulent pas) m'en prescrire légalement. C'est décourageant, mais compréhensible dans le climat actuel de Guerre contre la drogue. Je vis dans un fauteuil roulant depuis 1980. Je ne peux pas manger à moins d’avoir fumé un peu de chanvre car celui-ci me détend les muscles du sphincter de l'estomac et de l'œsophage. J'ai considérablement perdu l'appétit, mais si je fume une cigarette de chanvre, je suis plus détendue et je peux garder la nourriture. Il m'arrive souvent d'avoir des diffi­cultés à respirer. Je ne comprends pas comment le fait de fumer peut contribuer à détendre le mécanisme de la respiration, mais tel est bien l'effet du chanvre.

 

Pour moi, cette substance est indispensable. Je ne tremble plus, je peux me nourrir, je peux respirer normalement. Elle a même des effets bénéfiques sur ma vessie neurogène, un trouble neurologique qui m'enlève tout contrôle sur les muscles du sphincter de la vessie. Même s’il n'y a qu'une seule goutte dans la vessie, les muscles du sphincter se contractent et je perds de l'urine. Le chanvre ne résout pas le problème, mais il m'aide. J'en fume en général cinq cigarettes par jour.

 

Je suis furieuse d'avoir à traiter avec des gens que je ne fréquenterais jamais en temps normal, tels que des revendeurs de drogue. Il faut aussi que je fasse des économies pour avoir assez d’argent pour acheter du chanvre qui, de plus, devient de plus en plus difficile à obtenir. Quand il arrive que j'en manque, je passe le plus clair de mon temps pendue au téléphone pour essayer d’en trouver.

 

Le cas d'une malade dont la perte de coordination musculaire s'est avérée constituer un signe avant-coureur de la sclérose en plaques nous a été rapporté par son psychiatre. Ce dernier essayait depuis plusieurs années de lui faire renoncer à l'habitude qu'elle avait prise de fumer un peu de chanvre avant d'aller au lit, pour lutter contre son insomnie chronique. Après avoir réussi à la persuader d'arrêter, il est venu nous demander conseil quand il s'est aperçu que le chanvre avait en fait occulté les symptômes d'une sclérose en plaques non encore diagnostiquée. Quand la patiente arrêtait de fumer, elle souffrait d'ataxie, un problème qui dispa­raissait dés qu'elle reprenait sa consommation de chanvre. Le psychiatre se disait inquiet, croyant le chanvre hautement toxique ; mais nous l'avons rassuré en lui disant que tel n'était pas le cas. Sa patiente raconte :

 

 

 

J'avais fini par avoir ce que je voulais dans la vie. Ce que je n'avais pas eu du point de vue de mes études, je l'avais rattrapé en travaillant dur, pendant de longues heures et, de plus, j'avais le patron dont toute jeune cadre peut rêver. Entrée à vingt et un an au bas de l'échelle dans une petite entreprise locale en tant que secrétaire la moins payée de toute la société, j'étais devenue, à quarante-cinq ans, cadre financier d’une société d'électronique dont le chiffre d’affaires atteignait deux milliards de dollars. Le travail était dur, le rythme soutenu et l'emploi exigeant, mais très gratifiant. J'avais toujours un peu de mal à ralentir en fin de journée et j'avais constaté qu'en fumant un tout petit peu de chanvre avant de me mettre au lit, j'arrivais à me détendre et à m'endormir. En 1986, je fumais depuis une quinzaine d'années environ et je ne pensais pas que le chanvre à si petites doses put être nocif pour moi.

 

 

 

De 1986 à 1989, il y a eu à ce sujet toute une petite lutte entre moi et mon psychiatre. J'avais l'impression que mon expérience était entièrement positive et que si le chanvre avait des effets indésirables, ils n'auraient pas attendu quinze ans pour se manifester. Mais le médecin estimait, quant à lui, que je devais renoncer à cette drogue qui n'avait pas été expérimentée et qui, incidemment, était illégale.

 

 

 

En octobre 1989, j'ai accepté de remplacer le chanvre par du Desyrel (trazodone), antidépresseur ayant des propriétés sédatives. Quoique moins efficace, ce médicament m'a paru acceptable pendant quelques jours, malgré la gueule de bois dont je souffrais le matin. Mais en me réveillant le sixième jour, je me suis aperçue que je ne parvenais presque plus à garder l'équilibre. J'arrivais à peine à me tenir droite ou à marcher seule. En allant chez le médecin, j'ai également constaté que je n'avais plus de "pilote automatique", comme je l'appelle. Les gestes que je faisais normalement de manière inconsciente, comme conduire la voiture, me demandaient désormais une réflexion consciente. J'ai même été obligée de réapprendre à me servir d’une clé pour ouvrir la voiture. De plus, je me sentais plus fatiguée que jamais.

 

Au cours des six semaines qui ont suivi, j'ai arrêté de prendre quoi que ce soit, même de l'aspirine, tandis que les médecins me faisaient subir tous les examens possibles et imaginables pour découvrir ce dont je pouvais bien souffrir. Pendant ce temps, je continuais d'avoir les mêmes symptômes. A l'issue des tests, j'ai appris avec épouvante que j'étais atteinte d’une sclérose en plaques, une maladie nerveuse incurable contre laquelle il n'existait pas vraiment de traitement efficace. Je savais que les manifestations de la sclérose en plaques vont et viennent sans crier gare, mais j'étais tout de même troublée par ce qui semblait être une coïncidence et je me suis risquée à parler du chanvre à un neurologue. Furieux, le médecin m'a fait un sermon, en me disant de ne revenir que lorsque je pourrais me soumettre à un test de dépistage de drogue. Je ne pouvais pas en rester là. Logiquement, il fallait que je renouvelle au moins une fois la tentative de fumer du chanvre. Mon médecin (le psychiatre) était toujours contre, mais s'est tout de même déclaré intéressé de voir ce qui pourrait bien se passer. J'ai donc décidé de recommencer. Environ une semaine plus tard, j'ai constaté une amélioration de mon état et quelques semaines après, j'ai pu reprendre mon travail, à 85 % à peu près.

 

Il était possible que cette amélioration fût d'origine spontanée. La sclérose en plaques est une maladie très capricieuse, mais je ne voulais pas prendre de risques et j'ai continué à fumer jusqu'au printemps 1990, période où je me suis trouvée à court de chanvre et dans l'incapacité de m'en procurer. Une semaine plus tard, j'avais de nouveau des symptômes très graves. Les médecins continuaient de penser qu'il s'agissait seulement d'une coïncidence, mais pas moi. J'ai alors entrepris une recherche à l'échelle du pays tout entier pour me constituer une réserve de chanvre et trouver un neurologue qui fût prêt à entendre mon histoire l'esprit ouvert.

 

Quand j’ai fini par me procurer un peu de chanvre par l'intermédiaire d'une amie, j'ai recommencé à en fumer. Mais je n'ai pu reprendre mon travail qu'à 60 % et unique­ment à domicile. La même chose s'est reproduite plus tard en 1990 et, cette fois, je n'ai pu recommencer à travailler qu'à moins de 50 % de mon taux d'activité normal. Je ne pouvais pas travailler plus d'une demi-heure de suite. Au début de 1991, j'ai été "mise à la retraite" pour invalidité à 100 %.

 

Il me reste encore un petit stock de chanvre et j'appréhende le moment où je n'en aurai plus. Entre-temps, je continue de chercher un neurologue qui acceptera de présenter pour moi une demande de programme "compassionnel" d'expérimentation d'un nouveau médicament (IND), et je prie pour que les lois puissent être changées.

 

II semblerait, d'après ce récit et d'autres cas semblables, que le chanvre non seulement soulage les symptômes de la sclérose en plaques (contractures musculaires, tremblements, perte de coordination musculaire ou ataxie, incontinence urinaire, insomnie) mais aussi retarde la progression de la maladie. La sclérose en plaques est une affection causée par un système immunitaire "détraqué" ; les thérapeutiques actuelles prévoient l'usage de stéroïdes qui inhibent la fonction immunitaire. Même si le chanvre fumé ne parait pas augmenter la susceptibilité aux maladies infectieuses, il est prouvé que le THC a des effets immunodépresseurs. En partant de cette hypothèse, un groupe d'enquêteurs a voulu évaluer la capacité du THC à inhiber l'encéphalite auto-immune expérimentale (EAE), une maladie qui sert de modèle expérimental à l'étude de la sclérose en plaques chez les cobayes. Exposés à la maladie et traités ensuite avec un placebo, tous les animaux ont contracté une grave EAE et 98 % d'entre eux ont péri. Les animaux traités au THC n'ont eu que des symptômes légers de la maladie, sinon aucun, et plus de 95 % ont survécu. Après examen, on a pu constater que le tissu cérébral des animaux ayant reçu du THC était beaucoup moins inflammé.

J’ADHÈRE MAINTENANT !
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